Métaux Osisko entre la protection du saumon et celle du caribou

Une centaine de personnes ont assisté à la rencontre, mardi soir.
Photo : Radio-Canada / joane berube
La minière, qui souhaite relancer la mine de cuivre de Murdochville, devra surmonter deux problèmes environnementaux importants.
Une centaine de personnes ont assisté à ce troisième rendez-vous public de Métaux Osisko.
À nouveau, les questions environnementales sont demeurées au cœur des préoccupations de la population de Murdochville lors de la période des questions.
À Murdochville, des citoyens se souviennent d'avoir vécu la fermeture de la mine, puis celle de la fonderie.
Emmanuelle Desrochers-Perreault, citoyenne, mais aussi consultante en gestion et chargée de projet, membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce de la Côte-De-Gaspé, s’est dite particulièrement préoccupée par les impacts sociaux et environnementaux. Quel impact ça va avoir sur les gens qui choisissent Murdochville pour la nature, la tranquillité, l’accès au plein air et toutes ces raisons-là?

L'ancienne ville minière a déjà compté plus de 5000 habitants. La population est maintenant d'un peu plus de 600 personnes.
Photo : Radio-Canada
Elle souligne que ces impacts doivent être envisagés non seulement pour les années d’exploitation, mais aussi pour le long terme.
Une fosse à vider
Le dénoyage de l’ancienne fosse reste une source d’inquiétude. Métaux Osisko doit retirer 35 millions de mètres cubes d’eau du site minier.

La minière a présenté les dernières données disponibles sur l'évaluation des réserves de cuivre du gisement.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Il est prévu que cette eau sera déversée dans un ruisseau en amont de la rivière York. Le dénoyage, qui devait s’amorcer en 2024, a été remis à l’an prochain.
Le codirecteur du Conseil de l’eau du Nord de la Gaspésie, Thierry Ratté, membre du comité technique de dénoyage depuis sa création en décembre dernier, estime que ce report montre la bonne volonté de Métaux Osisko, qui semble prendre le temps de bien faire les choses.
M. Ratté explique que le Conseil de l’eau est surtout préoccupé par deux aspects du dénoyage, d'abord la quantité d’eau qui peut être déversée sans que cela devienne problématique pour les petits cours d’eau. Ça pourrait engendrer de l’érosion puis des problèmes à l'échelle de l’habitat lui-même
, explique M. Ratté.

Le dénoyage de l'ancienne fosse minière se fera en amont de la rivière à saumons. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
La seconde préoccupation concerne directement la qualité de l’eau et la teneur en cuivre des eaux usées en raison de la préservation de la rivière York, une importante rivière à saumons.
Thierry Ratté estime que le comité technique de dénoyage fonctionne très bien. L'entreprise a mis en place plusieurs suivis, donc documente vraiment de manière exhaustive tout le milieu récepteur et les alentours pour avoir un bon portrait de base. Pour l’instant, on est satisfaits de toutes les données qu'elle est en train d’aller chercher.
Il ajoute qu’une rencontre est prévue en septembre et que d’autres données devraient alors être divulguées.
De son côté, Métaux Osisko espère avoir recueilli assez de données pour déposer une demande de permis au ministère de l’Environnement à l’hiver 2025. Les opérations de dénoyage pourraient alors débuter l’an prochain.
Des tests de traitement passif des eaux de la fosse seront aussi effectués cet automne afin de faire baisser la teneur en cuivre de l’eau. On croit qu’on peut le faire de façon simple et pas chère en utilisant un traitement au calcaire
, précise Robert Wares.
Le promoteur estime que les études pour le dénoyage de la mine devraient être terminées d’ici la fin d'octobre.
Zone de réhabilitation du caribou
Métaux Osisko doit aussi composer avec la nouvelle frontière projetée par Québec pour protéger le caribou. La zone chevauche un secteur prévu pour l’entreposage des résidus miniers.

Le président de Métaux Osisko demeure optimiste et croit que le prix du cuivre sera à la hauteur pour assurer la rentabilité de la relance de la mine de Murdochville.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Osisko a l’obligation de proposer deux sites potentiels de parcs à résidus. Pour donner un second choix au ministère de l’Environnement, l'entreprise n’a pas d’autres options que de proposer un site à l’intérieur de la zone de réhabilitation du caribou envisagée par le ministère.
Ça représente un risque additionnel dans le sens où le ministère propose une zone de réhabilitation de l’habitat du caribou, mais la perception publique, ça va être plus une zone de protection du caribou. C’est sûr que les groupes environnementaux vont s’opposer à tout l’impact que la mine pourrait avoir sur cette zone
, commente le président de Métaux Osisko.
Ça pourrait créer une situation où on est pris entre l’arbre et l’écorce, les saumons d’un bord, les caribous de l’autre. Il ne reste plus grand place.
L’entreprise déposera un mémoire d’ici le mois d’octobre. On considère que ce que le ministère propose, c’est un petit peu exagéré. On propose de repousser la limite est de la nouvelle zone plus vers l’ouest.
C’est toutefois, le ministère de l’Environnement qui choisira par décret l’endroit où Osisko pourra disposer des résidus.
D’autres étapes à venir
Financièrement, Métaux Osisko doit continuer à recueillir des fonds. L’entreprise vise 70 M$ d’ici 2028 pour financer les phases d’avant-projet.
La réalisation du projet est notamment liée à l’évolution du prix du cuivre, rappelle le président de Métaux Osisko, Robert Wares.

Métaux Osisko espère être en mesure de commencer les travaux en 2028 pour lancer la production en 2030.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
La minière aimerait lancer les travaux de relance de l’ancienne mine de Murdochville en 2030.
D’ici là, le promoteur estime que le prix doit se maintenir à environ 4,20 US $ pour que le projet soit rentable. Présentement, la valeur du cuivre est d’environ 10 ¢ de moins que le prix plancher d’Osisko. Le promoteur reste toutefois confiant et estime que ce prix va remonter, car le cuivre, un des métaux essentiels à la transition énergétique, se fait de plus en plus rare dans le monde. Sinon, le projet sera retardé, indique Robert Wares.
La prochaine étape importante pour Osisko est prévue en février. La minière prévoit alors déposer une étude économique préliminaire.

Métaux Osisko précise que la ressource indiquée est de 3,2 milliards de livres de cuivre.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Pour le moment, la ressource de cuivre a été évaluée à 3,2 milliards de livres. Dans notre fosse, on a plus de cuivre que dans tout l’historique de Noranda [l’ancien propriétaire de la mine] qui a produit 2,9 milliards de livres de cuivre sur 45 ans
, relève Robert Wares.
Les travaux pour évaluer plus précisément le potentiel exploitable de la fosse restent à faire; ils permettraient à la minière de réaliser son étude de faisabilité.
Du molybdène pourrait aussi être exploité. Ce métal, qui est utilisé pour ses propriétés anticorrosion dans certains alliages d’acier, pourrait générer 12 % de revenus d’exploitation additionnels pour Osisko.
Si elle va de l’avant, la phase de construction pourrait coûter 1,8 milliard de dollars sur deux ans. Jusqu’à 1200 travailleurs seraient nécessaires. Osisko calcule qu’il lui faudrait plus de 500 travailleurs durant la phase d’exploitation, estimée à 25 ans.
L’entreprise entreprendra au cours des prochains jours une tournée des municipalités et des entreprises de la région afin de discuter avec elles des divers aspects de son projet.